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Films Noirs
22 février 2014

ANGOISSE DANS LA NUIT (Fear in the Night). Maxwell Shane

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Avec De Forest Kelley (Vincent Grayson), Paul Kelly (Cliff Herlihy), Ann Doran (Lil Herlihy), Kay Scott (Betty) et Robert Emmett Keane (Belknap, alias Byrd)

Dans une pièce dont toutes les portes sont couvertes de miroirs, un homme surprend un couple en train de forcer un coffre. Une lutte s'engage entre les 2 hommes. La femme tend un tournevis que les mains des 2 hommes effleurent. L'un d'eux s'en saisit alors, s'en sert comme d'un poignard et frappe l'autre qui s'effondre. La femme prend immédiatement la fuite et le survivant enferme le cadavre dans un des placards qu'il referme, emportant la clé avec lui. Brutalement, Vincent Grayson, cet homme qui vient de se voir en tuer un autre, se réveille en sursaut dans son lit. D'abord rassuré de constater qu'il ne s'agissait que d'un cauchemar, il se rend compte qu'il porte sur lui les traces d'une lutte et retrouve ce qui semble être la clé de son cauchemar et le bouton arraché à la veste de son rival sur un meuble de sa chambre. Affolé, il annonce son absence au travail, erre dans les rues puis court se confier à Cliff, son beau-frère, un inspecteur de police qui ne le prend pas au sérieux et ne veut pas arrêter un homme qui semble avoir commis un crime dans son sommeil après une journée un peu trop arrosée…

L'entourage de Grayson constate néanmoins qu'il semble véritablement obsédé par cet événement, Cliff s'évanoui en effet à plusieurs reprises suite à des chocs émotionnels qui lui rappellent son cauchemar. Pour lui changer les idées, l'inspecteur de police organise une sortie à la campagne avec leurs petites amies, sortie écourtée en raison d'un violent orage. Cherchant un refuge, ils s'arrêtent devant une villa que Cliff semble, d'abord confusément, connaitre, mais quand il parait effectivement connaitre des particularités que seul un habitué des lieux serait sensé savoir et qu'il s'avère qu'un crime y a été connu 2 jours auparavant, l'inspecteur de police est bien obligé de prendre l'affaire au sérieux…

 

Ce film singulier, écrit par le scénariste Maxwell Shane dont c'était le premier film en tant que metteur en scène, était l'adaptation d'une nouvelle de William Irish tout à fait typique des fantasmagories imaginées par cet auteur, ici au meilleur de sa forme. Cette toute petite production de William H. PIne et William C. Thomas, 2 roitelets des films de genre à petits budgets des années 40 et 50, souffre d'un manque de moyens évidents et il est notamment encombré par quelques interprètes incompétents mais il ne manque pas de charme. L'histoire, pour peu que l'on accepte un postulat de départ assez délirant, est cohérente dans son délire. L'interprète principal, De Forest Kelley , qui porte le film sur ses épaules, est selon moi plutôt convaincant dans ce qui était son premier rôle au cinéma...1er rôle de 2 façons : c'était après un film TV et un court métrage son 1er long...et ce film est resté un de ses très rares rôles en tant que tête d'affiche. D'autre part, la mise en scène, au moins dans la première partie du film, ne manque pas d'inventions et conjointement la photographie très contrastée de l'obscur directeur de la photographie Jack Greenhalgh est parfaitement adaptée à cette histoire.

Le film s'ouvre donc sur un cauchemar commenté en voix off par un homme qui cherche à comprendre à chaud les évènements qui se produisent. A son réveil, effrayé, il constate que ce qu'il croyait être un cauchemar a tout l'air de s'être réellement produit au cours de la nuit. Assailli par des images terrifiantes qui l'obsèdent comme "If my brain was handcuffed = comme si mon cerveau était menotté", et, ne trouvant provisoirement aucun secours en expliquant les raisons de son trouble à son entourage puisqu'il n'est pas cru, Il se retrouve dans une situation pire que s'il était livré à lui-même ou en fuite comme tant d'autres victimes du film noir. Victime ou coupable d'ailleurs ? Lui même ne le sait pas. Totalement perdu, il cherche d'abord à démêler de manière totalement irrationnelle l'énigme. Cliff passe ainsi une annonce dans les journaux afin de retrouver l'étrange pièce octogonale aux murs couverts de miroirs entrevue dans son cauchemar…Sans résultat…Toujours seul, n'étant pas cru ni entendu, c'est à lui qu'il parle. La voix off de l'homme est omniprésente dans cette première partie remplie de recherches visuelles qui apparente "lointainement" le film au courant expressionniste, notamment dans la mise en scène du rêve ou dans les scènes qui seront des réminiscences de ces images traumatisantes premières.

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Plus tard, une sortie à la campagne est organisée par l'inspecteur (et parent) qui cherche à offrir un moment de détente à Cliff qu'il croit surmené. Les 2 couples partent pique-niquer. Un orage éclate et les 4 personnages se précipitent jusqu'à la voiture. Les éclairs se multiplient dans le ciel et des coups de tonnerre stylisés semblent claquer comme des coups de feu. Shane multiplie alors les plans filmés de l'intérieur de la voiture dont les vitres sont partiellement embuées et recouvertes d'eau montrant des paysages flous défiler, puis il montre les 4 personnages, de vagues silhouettes méconnaissables de l'extérieur du véhicule. C'est d'ailleurs dans le prolongement de cette scène qui rappelle stylistiquement la scène de cauchemar qui ouvrait le film…que comme dans un rêve -Cliff semblant se rappeler une route qu'il affirme pourtant n'avoir jamais empruntée- l'on découvre la maison qu'il croit être celle du crime, réel ou imaginaire…et le vrai début de l'enquête du détective qui commence enfin à croire son ami et parent. L'interprétation de (feu) De Forest (aïe) que tout le monde connait en raison de sa participation à Star Trek, débuta au cinéma avec ce rôle, l'un de ses rares premiers rôles dans ce thriller à (très ) petits budgets. Je pense qu'il avait du bien regarder Peter Lorre, regard halluciné de hibou pris dans les phares, respiration haletante, débit saccadé et voix étouffée. Çà colle parfaitement au film.

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La rupture de ton et de style a donc lieu après la découverte et la visite de la villa déserte. Cliff n'est plus (moralement) seul. L'inspecteur, le prenant enfin au sérieux, il commence véritablement son enquête et très vite, après avoir mis en doute la véracité de l'histoire de cliff, il en vient maintenant à le soupçonner d'un meurtre et pense même avoir été manipulé par Cliff qui aurait voulu se faire passer pour fou. Et à nouveau, Cliff sera l'homme perdu qui n'est pas cru par un homme de confiance, un proche pourtant, qui agira surtout en professionnel pour démêler les fils d'une machination complexe et envoutante pour le spectateur, comme elle est vécu par la victime, tout à la fois coupable sans le savoir et sans en être pleinement responsable.

La suite, je la laisse dans le flou. Quoique…(On est pas obligé de lire la suite…). Les interrogations sont multiples. Réalité du crime ? Fou ou simulateur ? Machination ? Sur la suite des évènements, je jette des mots en vrac : État second, hypnose, drogue, vrai et faux suicide, double identité d'un des personnages et double manipulation (du méchant d'abord, puis de la victime). Et c'est tout ?

Maxwell Shane était surtout un scénariste qui avait participé à l'écriture de plus ou moins 70 scénarios et adaptations mais presque uniquement pour des productions à très petits budgets. Il a cependant aussi réalisé, écrit et le plus souvent coproduit 5 films, appartenant tous à la famille polar. Je posterais des textes sur 2, voir 3 de ces films dans les prochains jours. Celui ci, le premier réalisé par Shane, mais à plus de 40 ans, est peut-être son meilleur. Une curiosité. 6,5/10

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Commentaires
J
Difficile toutefois de faire l'impasse sur les connotations "homosexuelles" latentes du film qui deviennent patentes même par effets de distorsion de la caméra (séquences oniriques) vues à travers le prisme de la culpabilité tourmentée du héros narrateur paralysé par l'émotion et sujet à de trop fréquents évanouissements . Ce que vous éludez par "flou".Cornell Woolrich alias William Irish, était notoirement miné par cette conscience d'être homosexuel à une époque, où on ne convoquait pas la presse pour s'en affranchir ou pour faire son "coming out" et n'existait pas encore le "mariage pour tous" ; l'écriture étant alors le seul exutoire par où épancher sa conscience. .Blackouts, amnésie, culpabilité à peine voilée, paranoïa, tentatives de suicides (défenestration et rasoir à un autre moment du film).. Tous les symptômes sont concordants.C'est une des clés d'élucidation du film en tous les cas qu'on peut difficilement passer sous silence.
Films Noirs
  • Critique des films noirs du cinéma américain entre 1940 et 1960. + cinéma "policier" au sens large. Le principe : Un court résumé du film pour situer l'action et les personnages, puis mise en avant des points singuliers du film, bons et/ou mauvais.
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