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Films Noirs
10 août 2015

DEMAIN CE SERONT DES HOMMES. The Strange One. Jack Garfein. 1957

Strange-One-Poster

Avec Ben Gazzara (Cadet Sgt. Jocko De Paris), Pat Hingle (Cadet Koble), George Peppard (Cadet Marquales), Arthur Storch (Cadet Simmons), Geoffrey Horne (cadet Avery), Peter mark Richman (Cadet CoL Lorger)

Dans une académie militaire du sud des États-Unis, le cadet sergent Jocko De Paris, un élève officier de 4ème année décide de se venger de George Avery, un de ses condisciples et par voie de conséquence du père de celui ci, un des officiers supérieurs dirigeant l'école. L'année précédente, De Paris avait en effet été saqué suite aux dénonciations d'Avery et d'autres camarades qui ne supportaient plus les brimades et la tyrannie qu'il excercait. Avec l'aide du cadet Koble, son camarade de chambrée, il se sert de 2 nouvelles recrues, les cadets Simmons et Marquales ainsi que du cadet Gatt, et les entrainent dans une partie de carte nocturne et clandestine pour attirer le Cadet Avery dans un traquenard. Ce dernier, effectivement attiré par le bruit, fait irruption au milieu de la nuit et est aussitôt assailli par une partie de la bande. Battu et inconscient, il est forcé à boire et retrouvé ivre mort dans la cour de l'école le lendemain matin, sans que l'on ait connaissance de la responsabilité des uns et des autres. Les officiers supérieurs de l'école, et notamment le major Avery, sont déterminés à faire la lumière sur les évènements de la soirée. Jouant sur le fait que tous les gens impliqués risquent l'exclusion, De Paris poursuit son travail de harcèlement afin qu'aucun des témoins ne parlent…

 

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Ce film est l'adaptation d'une pièce de théâtre, elle-même adaptée d'un roman de Calder Willingham, End as a Man, que Garfein avait mis en scène plusieurs années plus tôt avec déjà une bonne partie de la distribution que l'on retrouvera dans le film. Les tendances fascistes d'un élève officier peuvent-elles s'épanouir au sein d'une académie militaire ? C'est en creux une des questions que pose le film de Garfein qui dresse un portrait saisissant du jeune homme, bien aidé par un Ben Gazzara extraordinaire dans son premier rôle à l'écran 2 ans avant Autopsie d'un meurtre et bien avant Cassavetes. Commençons par son apparence physique... Ce garçon est vraiment "A Strange One" . Il a des manières raffinées...Avec son fume-cigarettes au coin des lèvres, Il se promène avec l'élégance de Delphine Seyrig et a un certain penchant pour les pyjamas de soie brodés qui ne sied pas à tout le monde…Bref, il est pas comme tout le monde ! Ce garçon à la sexualité incertaine (j'y reviendrais plus loin) semble surtout persuadé de sa supériorité intellectuelle. Il est vrai que c'est un type brillant, beau parleur, promenant tranquillement son air hautain, son arrogance et son sourire narquois pendant presque tout le récit. Il traite tout son monde comme s'il s'adressait à des sous espèces du genre humain, parle tranquillement et n'élève jamais la voix mais use de sarcasmes et se sert des mots comme des armes. Dans la pièce (et le roman) il semble que Jocko De Paris était présenté comme un fils de famille dont le père était lié aux dirigeants de l'école. Dans l'adaptation cinématographique, il n'en est rien mais -explicable ou non- ce sentiment de supériorité l'a transformé en pervers manipulateur aux méthodes de petit nazillon qui tyrannise les nouveaux arrivants et prend plaisir à humilier les êtres faibles ou les lâches. Il n'est toutefois pas sans contradictions (la fin le prouvera de manière stupéfiante) ; sa sexualité incertaine, son homosexualité latente qui est suggérée et les failles de cette personnalité fondée sur une apparente dureté, tout ceci constituait un terrain fertile pour un comédien inspiré, or Ben Gazzara l'était déjà dès ce premier film. Je considère même que ce rôle aurait du faire de Gazzara une star, sauf que l'on était en 1957…et que ce film est venu trop tôt.

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Est ce ce monde clos entièrement voué à l'apprentissage des futurs officiers de l'armée américaine, voir l'univers confiné quasi concentrationnaire, la discipline de fer de l'école et la culture de la soumission à l'autorité de cette mini société hiérarchisée qui a favorisé l'éclosion d'une telle personnalité ? Une chose est certaine, le fascisme latent du jeune homme n'y est pas brimé. Jocko De Paris est montré comme un élève officier a qui avait été confié des responsabilités, qui avait eu par le passé quelques ennuis pour avoir fait preuve d'excès de zèle, mais qui semble très bien intégré dans l'école. C'est même un élève très populaire que la plupart des autres admirent…et craignent tout à la fois mais l'intimidation gentillette, les petites brimades, les taquineries un brin puériles qu'il fait subir de jour -et au grand jour- à certaines des jeunes recrues, toutes ces pratiques qui s'apparentent à du bizutage, se transforment nuitamment, dans l'intimité des chambrées et plus largement dans tous les endroits privés et secrets, en tyrannie et en abus de pouvoir. Il est près à tout pour intimider les témoins de la manipulation, et est bien aidé par le règlement de l'école qui entrainerait l'exclusion de tous les élèves ayant participé à la manipulation s'ils étaient découvert.

 

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Malgré tout, bien qu'ayant à subir les pressions de De Paris, les autres élèves impliqués ne sont pas non plus que des victimes. Certes, Il se sert de sa connaissance des hommes et de leurs motivations, semblant se servir de leurs états émotionnels, pour lui, "la race supérieure" toujours plein de maitrise, maintenir une pression continue et poursuivre cette entreprise de harcèlement psychique et ses tentatives de déstabilisation pour préserver ses intérêts, mais tous ces jeunes gens ont tous une raison plus ou moins mesquine de garder le silence. Le plus brimé de la bande, le cadet Simmons, qui est la véritable tête de turc de De paris n'est d'ailleurs paradoxalement pas le moins antipathique des participants à la soirée. Il est lâche, menteur et d'une hypocrisie sans limite, refusant d'endosser la moindre responsabilité et surtout refusant de prendre parti contre son tortionnaire, laissant l'initiative d'une rébellion risquée à son voisin de chambrée, le cadet Marquales. Simmons est interprété par Arthur Storch qui reprend un rôle qu'il avait déjà tenu au théâtre. C'est le seul interprète "baroque" de la troupe des anciens de l'actor's Studio. Il joue un extravagant et improbable cadet à l'allure de benêt aux yeux exorbités et aux postures ridicules. Il porte manifestement de fausses dents...C'est le seul personnage réellement limite du film avec, à un degré moindre, celui incarné par Paul E. Richards surnommé "Cockroach", un homosexuel fasciné par Jocko De Paris. D'ailleurs ce dernier le fuit, un brin gêné par les attentions de ce cadet qui écrit sa biographie ! et tente de l'attirer dans sa chambrée. On doit pouvoir trouver ce personnage un peu "grande folle" un brin caricatural mais les taquineries de De Paris à l'égard de ce cadet sont aussi un peu ambigüe. On sent en tout cas le film hésitant sur ce sujet là, c'est en tout cas mon sentiment.

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Le second élève de 1ère année terrorisé par De Paris est Marquales qui est interprété par un autre débutant, Georges Peppard, qui est d'une sobriété exemplaire. C'est un personnage défini avec soin. Ce jeune homme d'origine modeste dont les parents se sont sacrifiés pour lui permettre d'intégrer l'école ne peut pas se permettre d'en être exclus. Il réprouve manifestement le comportement de De Paris mais garde le silence puis commence à se libérer de son emprise… La dernière partie du film qui commence par le recrutement par De Paris d'une prostituée pour humilier un peu plus le puceau Simmons ou pour tenter de l'amadouer est extraordinaire avec plus tard un procès clandestin qui renvoie à celui de M le maudit ou à un procès du Ku Klux Klan inversé (volontairement évasif). Quant à la longue séquence finale, elle est encore plus marquante et fera obligatoirement penser à certaines scènes chocs du… Shock Corridor de Samuel Fuller. C'est ce final que Garfein a refusé de modifier et qui lui a valu beaucoup de déboires avec le producteur Sam Spiegel qui avait semble t'il appuyé le réalisateur jusqu'à ce stade du tournage mais qui l'a lâché lorsque Garfein n'a pas voulu modifier ce final rejeté par la Columbia. Le film a donc été censuré...et ça n'a rien d'étonnant. Le plus stupéfiant c'est même qu'un tel film ai été conçu dans le système hollywoodien. Ce film n'est pas un film d'avant-garde aux images sombres et joué sans maitrise par des acteurs non professionnels. C'est un film Hollywoodien que seul le sujet traité sans concessions rend extravagant dans le contexte du cinéma américain de l'époque. vu en vost (édité aux USA)

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Films Noirs
  • Critique des films noirs du cinéma américain entre 1940 et 1960. + cinéma "policier" au sens large. Le principe : Un court résumé du film pour situer l'action et les personnages, puis mise en avant des points singuliers du film, bons et/ou mauvais.
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