DRIVE A CROOKED ROAD. Richard Quine
DRIVE A CROOKED ROAD. Richard Quine. 1954
Production : Jonie Taps pour Columbia
Scénario : Blake Edwards
Dir. de la photographie : Charles Lawton Jr
Avec : Mickey Rooney (Eddie Shannon), Diane Foster (barbara Mathews), Kevin McCarthy (Steve Norris) et Jack Kelly (Harold Baker)
Barbara Mathews se présente dans un garage et demande à ce que son véhicule soit réparé par Eddie Shannon, un modeste mécanicien mais pilote automobile amateur assez brillant. Lorsqu'il ramène le véhicule à sa propriétaire, celle ci l'invite à la rejoindre sur une plage à la fin de sa journée de travail. Il y retrouve aussi Steve Morris que la jeune femme présente comme un ami de New-York.Les deux jeunes gens se revoient régulièrement. Lentement, Eddie parvient à surmonter sa timidité mais reste néanmoins sur la réserve. Il révèle à la jeune femme qu'il rêve d'avoir un jour suffisamment d'argent pour s'offrir une voiture de course réellement compétitive et de courir en Europe. Barbara l'introduit auprès de Steve qui serait assez fortuné d'après elle pour le sponsoriser. En réalité, Steve et un complice préparent le casse d'une banque et propose à Eddie de conduire leur véhicule afin de profiter de ses capacités exceptionnelles de pilote et échapper ainsi aux contrôles de polices. Eddie refuse...
Le véritable intérêt du film tient dans la personnalité du personnage masculin principal incarné par Mickey Rooney. C'est un jeune homme complexé, par sa taille d'abord, et surtout par les séquelles d'un accident d'automobile qui lui a laissé une immense balafre qui lui barre le front de part en part. Sans doute âgé d'une bonne trentaine d'année, il vit dans un petit appartement morne qui pourrait être celui d'un adolescent. Au mur, s'affiche les portraits de ses idoles, de grands pilotes automobiles. Il y est toujours montré seul. D'ailleurs, Il n'a pas vraiment d'amis. Un seul de ses collègues mécanos lui vient timidement en aide alors les autres raillent sans cesse sa maladresse et sa timidité. Ils ne l'appellent d'ailleurs jamais autrement que "Shorty".
Richard Quine insiste d'ailleurs sur la petite taille de Rooney. Je ne l'avais jamais vu si petit. Je prends le pari que le choix d'un "grand", Kevin McCarthy pour jouer son rival était délibéré. J'ajoute que pour accentuer encore cette différence, de nombreux plans avec Rooney sont filmés en contre plongée. On a donc là un héros ou un anti-héros très singulier qui est formidablement joué par Rooney, avec beaucoup de subtilité. Kevin McCarthy, dont je ne suis pas grand fan, tient correctement sa partie ainsi que les autres seconds rôles masculins. J'ai en revanche un soucis avec la belle Diane Foster. Son numéro de séduction est très tapageur et ultra caricatural mais c'est peut-être à la demande de Quine qu'elle a chargé ainsi le personnage. L'intention était peut-être de montrer qu'allumé ainsi par une femme si belle, Rooney ne pense plus...Pour dire les choses clairement, Rooney est montré comme un puceau dont les pulsions sexuelles aveuglent le discernement. Il se laisse entrainer dans une histoire qui l'effraie car il ne pense qu'à la récompense qui l'attend...
Un autre point singulier, c'est la platitude volontaire de la photographie et de la mise en scène. Pas d'effets spectaculaires mais une mise en scène fluide et surtout une image "plate" et chaleureuse. Le film baigne dans le gris pastel, un peu comme certains polars plus tardifs, Piège au grisbi de Burt Kennedy par exemple. Je suis loin d'être hostile aux virtuoses de la caméra mais pour un tel film dans lequel l'action est ramassée sur une vingtaine de minutes, dans lequel les préparatifs du casse occupe comme dans tant d'autres polars la plus grande partie du film, l'absence apparente de recherches esthétiques ne choque pas. Il a été imposé d'abord par le personnage principal, un homme moins qu'ordinaire dont il fallait montrer la trivialité du quotidien. Ensuite par le scénario et les lieux ou l'action se déroule. On est à Los Angeles et sous le soleil. On va sur les plages. La maison de Steve Norris fait face à l'océan, etc... Il y a très peu de scènes nocturnes, contrairement à tant de polars dont Pushover du même metteur en scène. Ce film est d'ailleurs celui qui a été tourné immédiatement après "Drive...". Ce n'est sans doute pas un hasard si son esthétique est tellement différente...
L'essentiel est ailleurs. Dans les personnages qui nous racontent quelque chose ou pas. En l'occurrence ici, il y a une vrai évolution du rapport entre les personnages principaux et notamment entre Eddie et Barbara. Mais je n'en dirais rien. Si ce n'est que la aussi selon moi Diane Foster montre quelques limites.
Pour l'anecdote, Diane Foster est la dernière survivante du film après la disparition récente de plusieurs des gens qui y ont collaborés. En 2 ans, on a perdu Blake Edwards, Kevin McCarthy et Paul Picerni.
Je pense que le film est inédit en France sauf peut-être dans des festivals ou à la cinémathèque.